À 15 ans, 20 % des adolescents québécois ont consommé au moins une fois du cannabis, révèle jeudi l’Institut de la statistique du Québec. Ces données datent d’avant la légalisation du cannabis, qui a fixé l’âge légal pour en consommer à 21 ans au Québec.

Cette analyse est tirée de données de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ), qui suit une cohorte de jeunes nés au Québec en 1997-1998. Ils ont aujourd’hui 25 ans.

Chez les jeunes de 15 ans, on comptait surtout des consommateurs occasionnels (9,1 %), tandis que 6,9 % d’entre eux étaient des consommateurs réguliers, et 4,1 % étaient des « expérimentateurs », c’est-à-dire qu’ils avaient consommé une seule fois « pour essayer ».

Commencer à consommer du cannabis à 15 ans ou avant, c’est « hâtif », dit le DNicholas Chadi, pédiatre et chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et toxicomanie au CHU Sainte-Justine.

« Ce sont vraiment des jeunes pour lesquels on doit ouvrir l’œil pour savoir si on peut offrir des interventions pour tenter de diminuer la consommation ou retarder l’apparition de comportements qui pourraient être associés à la consommation d’autres substances », explique le DChadi.

Le chef du département de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants, le DMartin Gignac, explique que plus on commence tôt à consommer du cannabis, plus les risques de subir des « effets indésirables » sont élevés.

Il y a des études assez claires sur les jeunes qui ont fait un usage de cannabis avant l’âge de 15 ans. Leur risque d’avoir des symptômes psychotiques entre 15 et 25 ans, c’est de 10 %. Dans la population générale, chez ceux qui utilisent du cannabis, le risque est de 3 %. On triple le risque.

Le DMartin Gignac, chef du département de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants

La proportion de jeunes ayant consommé du cannabis au cours des 12 mois précédant l’enquête augmente sans surprise avec l’âge : elle passe à 39 % à 17 ans et à 43 % à 20 ans.

« On a découvert qu’il y en a plusieurs qui ont essayé [le cannabis] à 15 ou 17 ans et qui n’ont pas poursuivi. Ce n’est pas parce que quelqu’un consomme durant l’adolescence que la consommation est importante par la suite », explique Mai Thanh Tu, chargée de projet pour l’ELDEQ.

L’étude a également démontré que l’initiation à la cigarette, la consommation excessive d’alcool et la présence de comportements hyperactifs au début de l’adolescence sont associées à la consommation de cannabis plus tard durant l’adolescence ou au début de l’âge adulte.

Un lien a aussi été observé entre les jeunes qui recherchent des sensations fortes et ceux qui consomment un peu de cannabis à 20 ans.

Des produits à forte concentration de THC

Les données dévoilées jeudi datent d’avant la légalisation du cannabis, mais au cours des dernières années, on a vu une augmentation de la concentration des produits de cannabis.

« Les jeunes d’aujourd’hui consomment des joints, mais aussi des produits de vapotage ou comestibles, qui contiennent beaucoup plus de molécules actives du cannabis qu’il y a 10, 20 ou 30 ans. On ne sait pas encore à quel point il y aura plus de conséquences négatives à long terme pour les jeunes qui consomment des produits de cannabis beaucoup plus forts », dit le DChadi.

Le DMartin Gignac note lui aussi que les jeunes ne peuvent pas se procurer du cannabis à la Société québécoise du cannabis (SQDC), où on connaît la teneur en THC des produits.

Les jeunes « vont faire confiance à la personne qui fait le trafic sur la rue, et il y a toutes sortes de choses qui circulent, des formes de cannabis qui sont contaminées par d’autres drogues », dit le DGignac.

Les parents devraient parler de cannabis avec leurs enfants dès la préadolescence, dit le DChadi. Et surveiller « les drapeaux rouges », ajoute le DMartin Gignac.

« Quelqu’un qui est capable de dire : je consomme toutes les semaines dans tel contexte, avec tels amis, pour telle raison, c’est un pattern de dépendance qui se met en place, et il va y avoir des troubles associés à ça qui vont émerger », illustre-t-il.

Les changements de comportement, les symptômes de sevrage (l’agressivité, par exemple), le sommeil affecté sont des signes à surveiller.

« Dans les interventions qu’on fait, on ne vise plus vraiment l’abstinence : on vise la réduction des méfaits. On essaie d’amener les gens à avoir une consommation responsable, que ce soit pour l’alcool ou le cannabis », dit le DGignac.