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Tout comprendre de la conductivité électromagnétique des sols

La conductivité est une technique efficace pour zoner les sols à l’échelle de la parcelle. Comme de nombreux facteurs (nature du sol, humidité, composition physico-chimique, etc.) jouent sur cette détermination « globalisante », il est obligatoire de la coupler à un diagnostic pédologique capable de décrire précisément l’origine des variations constatées. Plusieurs précautions d’emploi sont à respecter pour obtenir des mesures fiables et interprétables.

Issue de la géophysique, la conductivité est une méthode qui exploite les propriétés de conductance ou de résistance électrique du sol pour en mesurer sa variabilité spatiale. La conductance électrique est la capacité d’un corps à laisser passer le courant électrique ; la résistance électrique, celle de limiter le passage du courant électrique. Ces deux grandeurs physiques sont donc similaires, l’une étant l’inverse de l’autre. Cet article fait le point sur l’utilisation de cette technique en agriculture de précision intra-parcellaire (API). 

Deux grands types d’outils permettent de les mesurer au champ :

  • LES MÉTHODES ÉLECTROMAGNÉTIQUES

La transmission d’un champ électromagnétique dans le sol est fortement corrélée à sa conductivité apparente. Cette technique utilise deux bobines. La première, parcourue par un courant électrique d’une fréquence donnée produit un champ magnétique dit primaire de même fréquence qui induit dans le sol qu’il traverse des courants électriques, eux-mêmes générant à leur tour un  champ magnétique secondaire mesuré à l’aide de la seconde bobine. La conductivité apparente du sol (exprimée en milli-siemens par m) est calculée à partir du rapport entre la valeur du champ magnétique secondaire et celle du champ magnétique primaire et des caractéristiques de l’appareil de mesure (distance et position des deux bobines notamment). Ce type de mesure est facile à mettre en œuvre, sans perturbation du sol, ni prélèvement d’échantillon. L’appareil est simplement posé sur le sol ou traîné horizontalement sur un support dédié pour acquérir des mesures en continue. Il n’y a donc pas de problème de contact sol-sonde et la mesure est immédiate.

Figure_1 schéma de l'appareil_2

  • LES MÉTHODES ÉLECTRIQUES

La conductivité d’un sol (ou sa résistivité) peut être mesurée de façon électrique. Un courant électrique généré entre deux électrodes (dites électrodes de courant) et deux électrodes (dites électrodes de potentiel) mesure la tension, les quatre électrodes étant équidistantes deux à deux. Le rapport entre la différence de potentiel mesurée entre les deux électrodes de tension et du courant électrique généré par les deux électrodes de courant permet de mesurer la conductivité électrique du sol ou sa résistivité. Le volume de sol caractérisé par la mesure dépend de l’écartement des électrodes. Plus l’écartement est grand, plus le volume de sol prospecté est important. Elle peut être mesurée en continue en utilisant des disques verticaux comme électrodes. Un bon contact entre les disques et le sol doit être assuré sous peine de fausser la mesure.

Avantages et inconvénients de la conductivité électromagnétique

De nombreux articles scientifiques évaluent les avantages et inconvénients de la méthode de mesure électromagnétique (sans contact avec le sol) comparativement à d’autres (BURLAN-ROTAR et al., « Consideration on contactless electromagnetic techniques for measuring soil conductivity ». Buletinul AGIR, Supliment 1/2015, pp. 18-26) :

Tableau_1 conductivité

Facteurs jouant sur la conductivité du sol

La conductivité d’un sol dépend de nombreux facteurs. Les 4 principaux sont :

  • La teneur en eau du sol : comme la plupart des matériaux géologiques sont de mauvais conducteurs, la conduction des sols est, la plupart du temps, de nature électrolytique, c’est-à-dire due à la présence d’eau. Aussi la conductivité est fortement dépendante de l’humidité du sol. La relation entre la conductivité et l’humidité est de type sigmoïde. La conductivité maximale est atteinte lorsque l’humidité est supérieure ou égale à la capacité au champ (présence d’eau libre dans les interstices) et minimale lorsque l’humidité est proche ou inférieure au point de flétrissement (cf. fig. 2) :

Figure_2 Relation

  • La concentration ionique de la solution du sol. La conductivité sera donc d’autant plus importante que la quantité d’eau est importante et que celle-ci est riche en sels. dans certaines régions du globe, cette technique est d’ailleurs utilisée pour mesurer la salinité des sols. Ainsi, les sols non salés ont des conductivité variant entre 0 et 50mS/m, les sols salés entre 100 et 200mS/m.
  • La nature des éléments constitutifs du sol et leur arrangement dans le profil. La conductivité des sols mesurée à la capacité des sols varient dans une large gamme : de 30 à 60 mS/m pour les sols argileux, de 10 à 20 mS/m pour les sols de limons, inférieure à 10mS/m pour les sables. Ces différences de valeur s’expliquent par leurs comportement hydrique, une argile retenant plus d’eau qu’un sable.
  • La température du sol : la conductivité augmente significativement lorsque la température du sol augmente.

 

Figure_3 exemple_2

La conductivité électromagnétique tout comme son homologue, la résistivité électrique, est une mesure « globalisante ». On obtient un seul résultat alors que les facteurs qui y contribuent sont multiples : humidité, salinité et composition minérale de l’eau, texture, structure et organisation verticale du sol (couches de sol) et même température.

Les différentes tranches de sol (0 à 30 cm, de 30 à 60 cm, de 60 à 90 cm et de 90 à 120 cm) contribuent respectivement de 45, 20, 10 et 5 % à la mesure globale. L’impact des tranches plus profondes étant moins important. Ainsi, un sol présentant une texture légère en surface et plus argileuses en profondeur peut donc présenter une conductivité globale (mesurée sur toute l’épaisseur) équivalente à un sol de texture limoneuse. Ce point illustre l’impact du profil pédologique et de l’agencement vertical du sol.

Utilisation de la conductivité pour caractériser la variabilité spatiale des sols

Installé sur un traîneau tiré par un quad, couplé à un GPS, il est possible de mesurer « en continu » la conductivité électromagnétique d’une surface. Les mesures doivent être réalisées lorsque le sol est à la capacité au champ sur tout l’horizon concerné. en utilisant des techniques de traitement cartographiques des données, il est alors possible d’établir une carte de conductivité délimitant les zones présentant des valeurs de conductivité apparente globale différentes.

Une fois la carte de conductivité établie, il est nécessaire de l’interpréter et de caractériser précisément chaque zone. La méthode utilisée par be Api a été calée par sa filiale R&D Défisol, et a été éprouvée sur plus de 10 000 hectares dans différentes régions françaises. Cette interprétation se fait en trois temps :

  • Interprétation la carte de conductivité, en la confrontant avec la connaissance qu’à l’agriculteur de sa parcelle. Cette étape fondamentale poursuit deux objectifs : 1- S’assurer que les zones délimitées sont exhaustives et sont réelles et 2- positionner l’emplacement des profils pédologiques. Cette analyse peut-être aussi enrichie avec la connaissance de la topographie de la parcelle et de certains éléments de paysage caractéristiques.
  • Interprétation des profils pédologiques. une fois géo-localisés, un pédologue vient décrire et interpréter les fosses. L’observation précise des différentes couches de sol, leur description et leur caractérisation permet de déterminer les types de sol et leur comportements physique et hydrique.
  • Etablissement de la carte des sols et de leur potentiel. L’ensemble de ces éléments, carte de conductivité, connaissance de la parcelle et description des profils permet d’établir une carte de sol et de leur potentiel.

Figure_4 étapes

Ces cartes permettront, campagne après campagne, de différencier les objectifs de production de la culture au sein de la parcelle, d’adapter le semis à chaque zone ainsi que le niveau d’intrants (azote, souffre, régulateur, fongicides). D’autres utilisations de ces cartes peuvent être envisagées comme la modulation des doses d’herbicides de contact.

Pour en savoir plus :

E.C. BREVICK et al., « Soil electrical conductivity as a function of soil water content and implications for soil mapping ». Precision Agriculture, December 2006, Volume 7, Issue 6, pp. 393-404
DOUZALS, « Mesures physiques de la variabilité des sols en agriculture de précision. Ingénieries », EAT n° 24, décembre 2000, pp. 45-52
J.O. JOB et al., « Effect of soil moisture on the determination of soil salinity using electromagnetic induction », European Journal of Environmental and Engineering Geophysics, 1999, 3, pp. 187-199
LUNDY, « Caractériser le sol par la conductivité : L’expérience de Défisol », Perspectives agricoles,  n° 376, Mars 2011, pp. 44-45
K.A. SUDDUCKT et al., « Accuracy issues in electromagnetic induction sensing of soil electrical conductivity for precision farming », Computers and Electronics in Agriculture, 2001, 31, pp.  239-264

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