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Les sources antiques des fables de La Fontaine

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7 mars 2018

Le répertoire ésopique constitue le socle sur lequel La Fontaine bâtit son œuvre de fabuliste, sans s’interdire de puiser dans d’autres répertoires, moins connus du public cultivé de son temps. En effet, tout collégien du XVIIème siècle s’est exercé sur ces sources antiques, et le plaisir de les retrouver transfigurées dans une langue vive et légère compte beaucoup dans le succès immédiat qu’elles rencontrèrent.

 
            Quelle déception, pour le lecteur de La Fontaine qui voudrait retrouver les "premières fables", et irait chercher chez Esope la source du genre... Il ne trouverait qu'un répertoire d’anecdotes résumées, dans lequel les morales sont utilisées comme un index permettant de réutiliser les fables pour l'ornementation du discours. Et pourtant, c'est bien Esope, mais un Esope fantasmé, que tous les fabulistes depuis Phèdre (mort en 54) désignent comme origine de la fable. C'est le paradoxe du genre, dont héritera La Fontaine après les autres fabulistes : la fable est un genre dans lequel chaque œuvre nouvelle se construit toujours sur un texte "su de tout le monde" ; et pourtant, tout reste à faire, puisque La Fontaine lui-même réclamera dans sa "Préface" au premier recueil des Fables "la gloire d'avoir ouvert cette carrière" en France. Genre déjà surexploité, ou carrière à ouvrir ? La "Préface" des Fables donne quelques éléments de réponse à ce sujet ; les Fables elles-mêmes se chargent du reste.

            Tout genre doit avoir une origine, à défaut d'avoir une tradition : c'est ainsi que Phèdre, le premier, désigne "Esope" comme inventeur de la fable. "Esope" incarne tout d'abord un modèle de la fable comme une fiction dont l'interprétation s'impose. De plus, il s'agit également d'un personnage mythique, dont on donne souvent une "Vie" avant chaque recueil de fables. C'est ainsi, par exemple, que l'on fait remonter la structure même de la fable, qui emprunte le "voile" de la fiction pour dire une vérité, à la nécessité où était Esope, malheureux esclave, de parler en se dissimulant.

            La Fontaine s'inscrit donc, en ouvrant son recueil de fables, dans une tradition,  qui implique également le geste inverse : comment renouveler l'intérêt de fables dont le sujet est connu depuis si longtemps ? "J'ai considéré que, ces fables étant sues de tout le monde, je ne ferais rien si je ne les rendais nouvelles par quelques traits qui en relevassent le goût". C'est ici que La Fontaine va définir la voie qu'il adopte pour transformer en genre littéraire de plein droit ce qui était auparavant du domaine de la rhétorique, de la morale, de la pédagogie ou de l'érudition. Phèdre avait déjà posé le problème : on peut, pour "renouveler" les fables, les mettre en vers -Socrate aurait même été le premier à le faire, ce qui autorise La Fontaine à donner pour père à la fable versifiée "celui des mortels qui avait le plus de communication avec les dieux". On peut également reprendre, non la matière, mais le modèle lui-même, et inventer d'autres fables à partir de la même structure : récit + moralité -c'est ce que font les Italiens après Phèdre. On peut également développer la morale, comme le fait la tradition scolaire et rhétorique. A toutes ces solutions, La Fontaine a ajouté la sienne propre ; elle passe d'abord par la diversité : il ne s'agit pas seulement de varier le ton, mais également les sujets, la structure même de l'apologue, ainsi que le rapport entretenu par le récit avec sa moralité ; celle-ci peut être une application à un cas précis, ou une généralisation en loi universelle, un impératif éthique tiré de l'expérience, ou la simple constatation d'un fait. D'autre part, il se livre à un véritable travail sur le récit, dramatisant les scènes et les situations, dotant les personnages animaux d'une plus grande complexité, jouant en permanence sur leur rapport à l'humain, et se réappropriant, pour le transformer, le bestiaire hérité de la tradition médiévale. C'est ainsi qu'il fonde une nouvelle esthétique de l'apologue, qui, pour s'appuyer sur les expériences déjà faites, n'en constitue pas moins un événement littéraire profondément original.
 
            On peut distinguer, dans l'histoire de la fable, deux directions différentes, prises par tous ceux qui s'y sont essayés ; la remise en forme du corpus désigné comme "ésopique" pouvait être compris, soit comme la conservation, la compilation et la traduction des fables : c'est la tradition dite "savante", ou érudite, qui trouvera sa meilleure expression dans l'oeuvre accomplie par les humanistes, en particulier les Italiens au XVIème siècle ; soit au contraire comme une transformation, et une réutilisation de la matière de la fable à d'autres fins : il s'agit là de la tradition scolaire, mais aussi de la tradition rhétorique au sens large, qui pouvait fort bien déboucher sur une pratique proprement littéraire de l'apologue.    
           
            Le corpus "ésopique" dont disposait La Fontaine était celui que le XVIIème siècle avait hérité des compilateurs du Moyen-Age et de la Renaissance ; il comprenait, outre une collection de textes établie au IIème siècle (collection romulus), et remaniée ensuite par Babrius, puis par Avianus au Bas-Empire, toute une collection de fables anonymes, qui étaient automatiquement attribuées à "Esope". Ce corpus comptait donc également des fables de Phèdre, mais aussi des textes d'Aulu-Gelle, de Pline ou de Politien.
                                                                                                                                                                                                   

 

   La Bibliothèque nationale de France conserve un manuscrit du Xème siècle des fables d'Avianus, l'un des plus anciens manuscrits de fables conservé. Les dix premières des quarante-deux fables d'Avianus (occupant les f. 35 verso à 40 verso d'un volume dont les f. 1 à 35 recto contiennent l'Apocalypse de saint Jean) sont ornées de dessins à la plume assez maladroits, qui copient sans doute un modèle antique.

La littérature médiévale de la fable est connue sous le nom d’Ysopets et d’Avionnets (ceux de Marie de France par exemple). Pas toujours fidèles à la tradition antique, ils témoignent d'un autre choix littéraire que celui de la simple compilation de sources : il s'agissait là d'une littérature vive, qui, à terme, pouvait faire évoluer considérablement le genre, en exploitant ses possibilités actualisées.

Marie de France (1154-1189)
Fables d'"Esopes", XIIIème siècle, parchemin. Rel. cuir de Russie, au chiffre de Louis-Philippe.
Paris, BNF, Mss, Français-24428 (f. 89-114)

 

Fables de Marie de France, dans un Recueil d’anciennes poésies françaises, fin XIIIème siècle. Parchemin, petites miniatures et initiales à miniatures.
Paris, BNF, Arsenal, Ms-3142, f. 256-273

Dans un recueil du XIIIème siècle, Le livre d’Yzopet, par Marie de France.
Paris, BNF, Mss, Français-1593, f. 74-98

Ysopet Avionnet (dit Isopet I de Paris), XIVème siècle, texte latin et français, 113 f. de vélin, ornés de dessins ombrés et rehaussés.
Paris, BNF, Mss, Français-1594

Esopet. XVe siècle. Vélin, miniature, lettres historiées.
Paris, BNF, Mss, Français 1595

Le livre de Ysopet et de Avionnet. XVe siècle. Parchemin. 90 feuillets. Reliure maroquin bleu. Recueil formé par l'une des deux traductions, en vers, du recueil de fables attribué à Walter l'Anglais, par une traduction, également en vers, de quelques fables d'Avianus, et par des fables de Marie de France.
Paris, BNF, Mss, Français-24310

Fables d'YSOPET-AVIONNET ; en vers, dans un recueil de textes littéraires, XVème siècle.
Paris, BNF, Mss, Français-19123

La nouvelle traduction française de Julien Macho, frère augustin de Lyon, imprimée dès 1480, participe du même esprit et vise le même public : les titres des fables ne nous changent guère des manuscrits précédents, comme au f. h5v° / h6r° (de l'homme et du lyon, du cameil et de la puce, de la fromis et de la sigaille).
Julien Macho (14??-après 1480)

Fables d'Esope, précédées de sa vie, traduites de latin en français par frère Julien, des Augustins de Lyon, avec des fables d'Avian, d'Alfonse et aucunes joyeuses histoires de Poge. (Trad. de l'Aesopus de H. Steinhöwel). Lyon, M. Huss et J. Schabeler, 1484. In-fol., 112 f., gr. sur bois.
Paris, BNF, RES Yb-98

Les collections médiévales anonymes de fables en langue vulgaire, globalement attribuées à Esope, illustrent bien la force du modèle qui sera retenu par la tradition européenne de la fable, c'est-à-dire un recueil de pièces indépendantes les unes des autres, et comportant toujours, outre le récit animalier, l'interprétation qu'il convient de lui donner. En effet, parallèlement, une autre direction était prise par l'allégorie mettant en scène les animaux : celle du Roman de Renart, qui consistait au contraire à unifier les contextes narratifs de chacune des scènes, de façon à privilégier le récit lui-même, déroulé de façon continue.
Dans ces manuscrits médiévaux latins ou français et les premières éditions de collections de fables, qui sont réalisées dès les débuts de l'imprimerie, il est intéressant d'observer que les apologues bénéficiant d'illustrations sont ceux qui étaient sans doute déjà les plus populaires, et en tout cas le resteront. Ces miniatures et ces gravures sur bois établissent une tradition iconographique dont seront tributaires par filiation tous les illustrateurs futurs de fables, y compris ceux de La Fontaine.
Esope
Fabulae Aesopi latinae factae per Rinucium. Vita Aesopi. Anonymus Neveleti. Fabulae latinae factae per Romulum. Fabulae extravagantes. Fabulae Aviani. Fabulae collectae ex Aldefonso, Poggio Fiorentino et aliis. [Strasbourg] : [Heinrich Knoblochtzer], [ca 1481]. [238] p. : fig. ; in-fol.
Paris, BNF, RES G-Yc-35

Le but des grandes compilations humanistes, rompant avec la tradition "naïve" des Isopets et des Avionnets du Moyen-Age, était l'établissement de luxueuses éditions érudites, dont le texte soit le plus fidèle possible à l'"original" antique.
Esopi moralitas, de greco in latinum traducta. Romae : [s.n.], 1475. [Ca 40] p. ; in-4.

Fables ésopiques en distiques latins, dites de l'anonyme de Névelet et attribuées parfois, entre autres, à Ugobardus de Sulmona ou à Sebastian Brant. D'après Léopold Hervieux, "Les fabulistes latins depuis le siècle d'Auguste jusqu'à la fin du Moyen-âge", 2e édition, t. I, pp. 492-494, l'auteur en serait "Walther l'Anglais"
Paris, BNF, RES M-Yc-120

C'est le cas des grandes éditions germaniques, telles que celles de Sébastien Brant (Esopi Appologi sive mythologi cum quibusdam carminum et fabularum additionibus, Bâle, 1501),
Voir l’édition de 1521 :
Fabelle lepidissime fabulatoris Esopi a doctissimo viro Sebastiano Brant in versus redactae. Lipsiae : Valentinus Schumannus, 1521. Sign. A-G : titre à encadrement gr. s. bois ; in-4.
Paris, BNF, RES Yb-405

de Nicolas Gerbel (1519), de Steinhöwel ou même de Luther (1571), dont la préface précise la vocation d'édification des fables, qui ne sont pas un objet de plaisir littéraire... C'est aussi le cas des travaux de l'humanisme italien, à commencer par les éditions latines de Lorenzo Valla (Paris, 1477 et Venise, 1495), très vite traduites en français,
Lorenzo Valla (1407-1457)
Les apologues et fables de Laurens Valle. Paris, pour Antoine Vérard, vers 1493. [72] p. : signés A-E ; 2 col. ; car. goth., encadrements fleurdelisés au 1er et 2e f., miniatures, marque de Vérard au dernier f. ; in-folio. Ex. de dédicace à Charles VIII, enrichi de miniatures.
Paris, BNF, RES Vélins-61

et par la grande édition aldine de 1505 (Venise), qui servira de modèle à la plupart des autres (en particulier celle de Robert Estienne en France).
Aesopi et Gabriae fabulae, gr. lat. Phurnutus Palephatus, Heraclius Ponticus : Orus Apollo, &a verbia Tharraei et Didymi. Gr. Fabulae ex Aphtonio et Philostrate gr. et lat. Venetiis : Aldus, 1505. In-folio.
Paris, BNF, RES 4-BL-4175 (bientôt consultable en ligne).

Gabriele Faërno, grammairien et philologue de la cour pontificale, considérant que la fable faisait partie des genres littéraires, tourna ses fables en vers néo-latins, et les publia en 1563
sous le patronage de Paul IV ; son ouvrage fut plusieurs fois réédité au XVIème siècle, en Italie et à Anvers.  
Gabriele Faerno (1520-1561)
Fabulae centum ex antiquis auctoribus delectae et a Gabriele Faerno Cremonensi explicatae. Rome, V. Luchinus, 1564. In-4, pièces limin. et 100 f., front. et figures gravés. Rel. m. r. dos orné, plats à double filet et 4 fleurons aux angles.
Paris, BNF, Yc-2211

En 1596, Pierre Pithou, jurisconsulte, polémiste du groupe des modérés qui appuie Henri IV, et érudit éditeur de textes classiques (Quintilien, Perse, Pétrone...), publie un premier manuscrit qu'il a découvert, et qui contient des fables de Phèdre
Pierre Pithou (1539-1596), Phaedri Aug. liberti, fabularum Aesopiarum libri V, nunc primum in lucem editi, Troyes, 1596. In-12, 70 p.
Paris, BNF, RES P-YC-1536

; on en retrouvera un second en 1617.
Phèdre (vers 10 av. J.C.-après 54)
Phaedri Aug. liberti, fabularum Aesopiarum libri V. Nova editio. (Paris), R. Stephani, 1617. In-4, 99 p., titre rouge et noir, bandeaux, lettres ornées. Rel. veau à double filet et quatre fleurons.
Paris, BNF, RES M-Yc-1022

Phèdre (vers 10 av. J.C.-après 54), affranchi de l'empereur Auguste, est l'auteur de 123 fables imitées d'Esope, dont un certain nombre contiennent des allusions politiques. L'importance de cette redécouverte tient moins à l'apport de matière nouvelle -déjà connue, quoique confondue jusqu'à la fin du XVIème siècle dans le corpus ésopique-, qu'au modèle original constitué par ce recueil de poèmes doté d'un auteur propre. C'est sur cet exemple que s'appuiera La Fontaine pour fonder sa propre pratique de la fable : Phèdre, comme Socrate, avait en effet "considéré comme soeurs la poésie et nos fables".

Au XVIIème siècle, le travail érudit d'édition et de compilation des textes antiques des fables se poursuit. Ainsi l'anthologie publiée en 1610 par Isaac-Nicolas Névelet est-elle rééditée de nombreuses fois au cours du siècle ; sa présentation suit le modèle devenu désormais classique : vie d'Esope, puis texte des fables (ici grec / latin), agrémenté de quelques vignettes ; mais dans cette édition destinée au travail plus qu'à l'agrément, la même gravure sert fréquemment d'illustration pour plusieurs fables différentes.
Isaac-Nicolas Névelet (1590-16??)
Fabulae variorum auctorum nempe Aesopi fabulae graeco-latinae CCXCVII. Aphthonii soph. fabulae gr. lat. XL. Gabriae fab. gr. lat. XLIII. Babriae fab. gr. lat. XI. Accedunt anonymi veteris fabulae, latino carmine redditae LX ex exfoletis editionibus & codice MS. luci redditae... Opera et studio Isaaci Nicolai Neveleti cum notis ejusdem in eadem. cum figuris ligneis. Francfort, Christ. Gerlach & Sim. Beckenstein, 1660. In-8.
Paris, BNF, Y-1052

Au XVème et au XVIème siècle, les fables d'Esope sont une source d'inspiration pour plusieurs poètes français, de sensibilités assez diverses. Chez les uns, comme Gilles Corrozet,
Gilles Corrozet (1510-1568)
Les Fables du très ancien Esope phrigien premierement escriptes en grec, et depuis mises en rithme françoise... Paris, D. Janot, 1542. In-8, sign. A-O, t. à encadrement, gr. sur bois. Rel. parchemin.
Paris, BNF, RES Yb-1003 

Antoine du Moulin
Les Fables d'Esope Phrygien, mises en rythme françoise…  Avec la vie dudict Esope extraicte de plusieurs autheurs / par Maistre Anthoine du Moulin Masconnois. Nouvellement reveues et corrigez [sic]. A Rouen, pour Henry le Mareschal, libraire demourant devant le Bon Pasteur. 1578. 100 f. : fig. ; in-16.
Paris, BNF, RES Yb-1004

, Guillaume Haudent, et même Jean-Antoine de Baïf, on retrouve l'une des options les plus importantes de la poétique de la fable, qui doit sans cesse justifier la reprise de schémas déjà connus par un renouvellement ; ici, ce renouvellement est formel : il s'agit de la versification, qui tire la fable vers les différents "petits genres" poétiques, en faisant ainsi un objet de plaisir plus que d'édification. La Fontaine, lorsqu'il propose d'en faire autant, a donc de nombreux prédécesseurs, même en France. Mais en ces temps, la langue change vite :
            "Socrate n'est pas le seul qui ait considéré comme soeurs la poésie et nos fables. (...) Enfin les Modernes les ont suivis. Nous en avons des exemples, non seulement chez les étrangers, mais chez nous. Il est vrai que lorsque nos gens y ont travaillé, la langue était si différente de ce qu'elle est, qu'on ne les doit considérer que comme étrangers."

Etienne Perret et Jean Baudoin, eux, ont exploité la possibilité inverse : celle qui consiste à utiliser l'image, en développant le discours moralisant destiné à "décoder" le sens de celle-ci. Ils s'inscrivent dans la tradition de littérature édifiante des Adagia d'Erasme (1501), prolongée par les Fables héroïques d'Audin en 1648, ou encore par Patru en 1669. Etienne Perret publie, d'abord en 1578 chez Plantin à Anvers, une traduction partielle en français du recueil de fables flamandes d'Edouard de Dene (1567), avec des copies inversées de ses planches à l'eau-forte par Marc Gheeraerts ; le titre annonce clairement ses intentions édifiantes ; la gravure pleine page en taille-douce, sur la page de gauche, fait face à la fable en vers, dont la morale, sociale et très convenue, est nettement détachée, sur la page de droite.
Etienne Perret (2ème moitié du XVIème siècle)
XXV fables des animaux. Vray miroir exemplaire, par lequel toute personne raisonnable pourra voir et comprendre, avec plaisir et contentement d'esprit, la conformite et vraye similitude de la personne ignorante (vivante selon les sensualitez charnelles) aux animaux et bestes brutes : composé et mis en lumiere par Estienne Perret, citoyen d'Anvers. Delft, Adrien Gerards, 1618. In-fol., 25 f., [25 f. de pl.] gr. en taille-douce. Rel.
Paris, BNF, RES Ye-96 

La traduction de Jean Baudoin (1649), quant à elle, connaîtra de multiples rééditions au long du XVIIème siècle.
Jean Baudoin (vers 1594-1650)
Les Fables d'Ésope [Texte imprimé],... Traduction nouvelle, illustrée de discours moraux, philosophiques & politiques, par J. Baudoin. Avec les figures en taille douce. A Roüen, chez Jean & David Berthelin. M. DC. LXX. [16]-128-490 p., [2] f. de pl. : ill. ; in-8.
Paris, BNF, Yb-3074 (bis)

En Italie, Verdizzotti, en 1570, rompt avec une pratique "pontificale" de la fable, genre noble et grave (illustré par exemple par Gabriele Faërno), en composant les siennes en langue vulgaire, et non plus en vers néo-latins. Lui qui n'est pas seulement poète, mais aussi peintre et dessinateur élève du Titien, fait doublement sien ce recueil, qui sera plusieurs fois réédité, en en dessinant les gravures sur bois. Par cette réappropriation d'une tradition que l'on ne se contente plus de transmettre, mais que l'on transforme, la fable entre dans les genres poétiques de plein droit.
Giovanni Maria Verdizzotti (1525-1600)
Cento favole morali de i piu illustri antichi, & moderni autori greci, & latini, scielte, & trattate in varie maniere di versi volgari da M. Gio. Mario Verdizotti : nellequali oltra l'ornamento di varie e belle figure, si contengono molti precetti pertinenti alla prudenza della vita virtuosa & civile.  Venise, G. Ziletti, 1570. In-4, 302 p., table et errata, fig., titre-fr. Demi-rel.
Paris, BNF, Yd-1805 (bientôt consultable en ligne)

Dans la lignée des Progymnasmata du rhéteur grec Aphtonius (IIIème siècle av. J.-C.), ainsi que des Tableaux du sophiste Philostrate, traduits par Vigenère en 1578, on redécouvre les vertus pédagogiques de la fable ; la tradition didactique et rhétorique se détache en effet nettement de son usage "érudit", dans la mesure où il ne s'agit pas ici de retrouver et conserver les textes, mais plutôt de s'en servir comme matière première pour tous les exercices de rhétorique et d'éloquence. La fable sert de pré-texte au développement de tel ou tel point de morale, mais contribue aussi à exercer l'imagination et les facultés de composition de l'élève. Elle est ainsi démembrée, et l'on applique à ses diverses parties toutes les techniques rhétoriques de manipulation du discours : traduction, mais aussi amplification, réduction, illustration, démonstration... Des manuels sont rédigés par des professeurs expérimentés, comme Jean Meslier, principal du collège de Laon, qui publie en 1629 à Paris ses Fabulae gallicae, latinae, graecae..., ouvrage réédité en 1641. Dans sa préface, il explique pourquoi il a choisi Esope : "... il n'y a autheur au monde plus propre, pour commencer la langue grecque que celuy-là. Il est ingenieux, gentil, agreable & util. Il chasse l'ennuy par sa briefveté, le degoust par sa diversité, la peine par sa facilité...". Puis il explique la méthode suivie, et conclut "C'est assez, maintenant Esope vous attend avec ses petits escoliers : qui sont colombes innocentes, passereaux mignards, jolis rossignolets, fins renards & autres : à tous lesquels il a enseigné à parler grec, pour le parler avec vous, & vous l'enseigner parmy le deduit de la chasse, familierement & joyeusement." Les traductions françaises, numérotées, suivies de leur "sens moral", sont groupées en tête du volume.
Jean Meslier (15??-16??)
Aesopi fabulae gallicae, latinae, graecae, cum facillimis in contextum graecum scholiis, versio utraque nova et elaborata per J. Meslier.... Paris, S. Cramoisy, 1629. 3 parties en 1 vol. in-8° .
Paris, BNF, Arsenal, 8-BL-16755

Ce traitement de la fable est particulièrement à l'honneur dans le système d'éducation des Jésuites, mais intéresse tout autant Port-Royal. C'est ainsi qu’après Jean Meslier et Pierre Millot
Les Fables d'Aesope traduites fidèlement du grec, avec un choix de plusieurs autres fables attribuées à Aesope par des auteurs anciens, par M. Pierre Millot,... Ensemble la vie d'Aesope composée par M. de Meziriac. Bourg-en-Bresse : Vve de J. Tainturier, 1646. In-16, 312 p., fig.
Paris, BNF, Arsenal, 8-BL-16773

Le Maistre de Sacy, janséniste, propose en 1647, une traduction juxtalinéaire des fables de Phèdre, qui vise autant à l'édification qu'à l'entraînement rhétorique des élèves des petites écoles de Port-Royal. Cette traduction sera rééditée de nombreuses fois, comme ici en 1806 :

Fables de Phèdre, affranchi d'Auguste [Texte imprimé]... traduites en français, avec le texte à côté et ornées de gravures. Paris : impr. de P. Didot l'aîné, 1806. 2 vol. (VII-151 p.-[128] f. de pl.) : portrait de Fanny de Beauharnais ; in-12.
Paris, BNF, Yc-9823
NUMM-103316 < T. 1  > 
NUMM-103317 < T. 2  >           

La Fontaine dédie son premier recueil de Fables en 1668 au Dauphin, alors âgé de sept ans, et son troisième recueil au duc de Bourgogne, âgé de onze ans. Dans sa "préface" de 1668, il se place dans la lignée de Le Maistre de Sacy, qui avait ajouté les adultes aux enfants dans le public visé par les fables. En effet, derrière cette idée d'un genre littéraire plus particulièrement destiné aux enfants, parce qu'il joue sur l'agrément de la lecture, seul capable de "faire passer" avec lui l'enseignement moral qu'il s'agit d'administrer au lecteur, on retrouve l'une des plus anciennes théories poétiques du plaisir du texte, déjà formulée par Lucrèce : la poésie est semblable au sucre que le médecin place sur le bord de la timbale, pour adoucir le goût du remède. Presque tous les fabulistes reprendront ce lieu commun. Qu'elle s'adresse à des adultes ou à des enfants -métaphore ici du public littéraire tout entier-, la fable se dégage donc du "pensum".

Louis, duc de Bourgogne (1682-1712)
Cahier de versions latines du duc de Bourgogne, texte français seul, d'après différents auteurs. In-4, rel. maroquin rouge avec encadrement, fleurs de lys et inscription sur les plats : "versions meslées / de Mr le duc de Bourgogne". A la p. 1 : table du contenu (liste de fables) / début du premier texte, la vie d'Esope
Paris, BNF, Mss, Français-1758
 
Louis XV (1710-1774)
Versions du roy Louis XV escrittes de sa main, fables, 1722. In-4, maroquin rouge aux armes royales. Texte latin et version française écrites face à face ; morale très appuyée.
Paris, BNF, Mss, Français-2325
 
 

 

 


Commentaires

Soumis par Stefanie le 06/01/2022

Merci beaucoup pour ce texte ,il est très bien

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