Autorités, élus et experts américains ont mis lundi au défi le prochain président des États-Unis Donald Trump d'étayer ses récentes allégations de fraudes massives lors du scrutin du 8 novembre qui l'a vu triompher d'Hillary Clinton.

Ces accusations du milliardaire font suite à la contestation par une partie de la gauche américaine, accablée par la défaite, des résultats dans trois États déterminants, Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie.

Apparemment furieux qu'Hillary Clinton ait annoncé se joindre à cette initiative de recomptage des voix, Donald Trump a contre-attaqué en affirmant sur Twitter dimanche que des « millions » de personnes avaient voté illégalement.

M. Trump a obtenu plus de grands électeurs que la démocrate et ainsi remporté la Maison-Blanche, mais il insiste sur le fait qu'il aurait aussi gagné le suffrage populaire sans ces fraudes supposées.

« Graves fraudes électorales en Virginie, dans le New Hampshire et en Californie - pourquoi les médias n'en disent-ils rien ? » a aussi accusé Donald Trump.

Dans ces trois États, gagnés par Hillary Clinton, aucune preuve d'irrégularités n'a été présentée par le républicain.

La Maison-Blanche a catégoriquement rejeté les allégations du successeur de Barack Obama, le porte-parole Josh Earnest estimant qu'il n'existait « aucune preuve ».

Les autorités électorales des trois États cités ont également répété lundi que les scrutins s'étaient déroulés sans problème et que les résultats étaient incontestables.

D'ailleurs, le républicain n'a déposé aucune plainte formelle. Dans le New Hampshire, le sous-secrétaire d'État David Scanlan confirme à l'AFP que tous les résultats étaient désormais définitifs, après la période légale de contestation, et que les seuls recours (15) ont concerné des scrutins locaux, par ailleurs validés.

« Cette élection s'est très bien passée », insiste David Scanlan.

« Personne ne peut demander une élection parfaite, mais on peut exiger une élection juste, et je vous dis que le New Hampshire sait très bien organiser des élections », dit à l'AFP Thomas Rath, ancien ministre de la Justice du petit État, et un cacique républicain proche de Mitt Romney.

Les experts secouent également la tête. « Il n'existe aucune preuve crédible de fraudes massives », dit à l'AFP le professeur Dan Tokaji, de l'Université de l'Ohio. « Je n'ai même pas vu de preuve non crédible ».

Un précédent « grave »

La controverse a choqué à droite et à gauche, y compris chez les alliés républicains de Donald Trump.

« Il faut tourner la page », a conseillé le parlementaire républicain Chris Collins sur CNN.

Les résultats n'ont pas encore été certifiés, mais selon les données compilées par le Cook Political Report, Hillary Clinton a remporté 48,2 % des suffrages contre 46,5 % pour Donald Trump au niveau national, soit 2,2 millions de voix de plus.

Le républicain a obtenu 306 grands électeurs contre 232 pour la démocrate, après la certification lundi des résultats du Michigan, qui a apporté 16 grands électeurs supplémentaires dans l'escarcelle de Donald Trump.

La petite candidate du Parti vert, Jill Stein, a déposé une demande de nouveau dépouillement vendredi dans le Wisconsin, et entend le faire mercredi dans le Michigan. Elle a également lancé une campagne laborieuse pour déposer des recours en Pennsylvanie, mais ses partisans ne l'ont fait à ce jour que dans une centaine de bureaux de vote, sur plus de 9000.

Dans ces trois États, si Hillary Clinton avait remporté quelques dizaines de milliers de voix de plus, sur plusieurs millions, et dépassé Donald Trump, elle serait aujourd'hui la présidente désignée.

En déposant ses recours, Jill Stein a redonné un ultime espoir aux déçus issus de la gauche américaine, qui contestent le système du collège électoral depuis qu'Hillary Clinton a perdu.

L'avocat de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton, Marc Elias, a annoncé samedi qu'elle se joindrait à cet effort « par principe », tout en reconnaissant que ces nouveaux dépouillements ne changeraient probablement pas les résultats.

Les experts sont du même avis.

« Je ne m'attends pas à ce que ces recomptages changent significativement les résultats, car c'est rarement le cas, en général les urnes électroniques fonctionnent bien », dit le professeur Dan Tokaji. « Truquer les élections à grande échelle est très difficile, car nos élections sont très décentralisées. »

Reste que les messages de Donald Trump peuvent avoir des conséquences plus permanentes.

« Cela réduit la confiance dans la démocratie américaine », dit à l'AFP Costas Panagopoulos, directeur du programme sur les élections à l'Université Fordham à New York. « Présenter des faits exagérés et sans preuve crée un précédent très grave ».