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Pesticides : la famille d'un vigneron porte plainte pour «homicide involontaire»

Valérie Murat et son avocat François Lafforgue à Paris, le 27 avril.

James-Bernard Murat est décédé en 2012 d'un cancer des bronches dû à l'utilisation d'arsénite de sodium, un pesticide utilisé pour traiter la vigne. Sa fille veut qu'une enquête soit ouverte.

Cinq ou six journalistes et quelques passants: la rue des Italiens, dans le 9e arrondissement de Paris, est paisible ce lundi. C'est pourtant ici, au Pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris, que Valérie Murat s'apprête à lancer la première procédure française au pénal dans un empoisonnement aux pesticides. La fille du vigneron James-Bernard Murat, mort en décembre 2012 des suites d'un cancer primitif des bronches, porte plainte contre X pour «homicide involontaire». «C'est aujourd'hui que tout commence, déclare-t-elle, souriante et déterminée. J'attends depuis trois ans.»

Son père, installé à Pujols, en Gironde, est tombé malade en 2010 d'un cancer dont le caractère professionnel, lié à l'utilisation d'arsénite de sodium, a été reconnu par la MSA, la sécurité sociale agricole. Ce produit est utilisé depuis des années dans le traitement de l'esca, un champignon de la vigne ancien et très répandu dans la région. Lorsque son cancer est diagnostiqué, huit ans après qu'il a pris sa retraite, l'hôpital lui demande très vite s'il est vigneron, rapporte sa fille. Le signe, selon elle, qu'il est «loin d'être le seul concerné dans le Bordelais».

Exposé à l'arsénite pendant 42 ans

James-Bernard Murat, qui a passé sa vie dans les vignes, apprend alors que l'arsénite, qu'il a utilisée pendant plus de quarante ans, est cancérigène. Il lui faudra un an pour obtenir gain de cause et faire admettre que sa maladie est due à l'exposition à ce pesticide. L'avocat de la famille, François Lafforgue, détaille la complexité de ce processus juridique: «Il y a deux systèmes: soit la pathologie figure sur le registre des maladies professionnelles et il y a une présomption de causalité. Si ce n'est pas le cas, c'est à la personne de démontrer que sa maladie est bien due à son travail.»

C'est ce qui dérange le plus Valérie Murat: les effets cancérigènes de l'arsenic et de ses composés minéraux figurent sur le tableau des maladies professionnelles depuis 1955. Les composés arsenicaux dans l'agriculture sont interdits en 1973, tandis que l'arsénite de sodium restera autorisée dans la viticulture jusqu'en 2001. C'est la question qui taraude Valérie Murat: «Pourquoi y a-t-il eu autant de temps avant son interdiction, alors que ses effets étaient connus? Pourquoi son homologation a-t-elle été prolongée plusieurs fois?» Une fois qu'un produit phytosanitaire est homologué par le ministère de l'Agriculture, son autorisation doit être renouvelée tous les dix ans.

Dénouer les responsabilités de chacun

Sa plainte contre X vise à la fois les «entreprises prédatrices» qui ont vendu de l'arsénite de sodium et les services de l'Etat, qui «n'ont pas joué leur rôle». Valérie Murat est accompagnée dans cette douloureuse entreprise par deux associations, Générations futures et Phyto-victimes, qui militent contre la nocivité des pesticides et pour une meilleure information des professionnels et du public. Le président de Phyto-victimes, Paul François, a gagné en 2012 son procès contre l'entreprise Monsanto, jugée «responsable» de son intoxication aux pesticides. Pour cet exploitant charentais, dans le cas de l'arsénite, «on a privilégié la production agricole en sacrifiant une ou deux générations. Il y a eu un déni de la situation».

Leur but, aujourd'hui: la saisie d'un juge d'instruction, pour qu'une enquête soit menée et que la responsabilité de chacun soit établie. «C'est le début d'une longue procédure», prévient François Lafforgue, spécialiste de ce type d'affaires. La plainte sera suivie d'une enquête préliminaire, qui devra aboutir à de premières conclusions. Valérie Murat et son entourage espèrent que leur initiative fera réfléchir les agriculteurs et les viticulteurs victimes de maladies dues aux pesticides. Souvent, quand ils prennent conscience des causes de leurs troubles de santé, ils se retournent vers l'avocat François Lafforgue, qui ne peut que constater: «Chaque semaine, je suis contacté par au moins une personne pour qui il est déjà trop tard.»

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24 commentaires
  • Chienne de vie.

    le

    A rejoindre u pathétique procès d'n vigneron Bourguignon en but avec les arrêtés préfectoraux qui lui refusent le droit de ne pas utiliser de pesticides.

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