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Le viticulteur bio de Côte-d'Or coupable d'avoir dit non aux pesticides

Le tribunal correctionnel de Dijon a condamné à 1 000 euros d'amende, dont 500 avec sursis, le vigneron de Beaune qui avait refusé de traiter chimiquement ses vignes contre la flavescence dorée.

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Publié le 07 avril 2014 à 07h48, modifié le 07 avril 2014 à 17h41

Temps de Lecture 4 min.

Le viticulteur bio Emmanuel Giboulot dans son domaine de Beaune, le 24 février.

Le viticulteur bio Emmanuel Giboulot a finalement été reconnu coupable. Lundi 7 avril, le tribunal correctionnel de Dijon a condamné à 1 000 euros d'amende, dont 500 avec sursis, ce vigneron de Côte-d'Or pour avoir refusé de traiter chimiquement, comme le prévoit le code rural, ses 10 hectares de chardonnay et de pinot noir contre une grave maladie de la vigne, la flavescence dorée. M. Giboulot a décidé de faire appel du jugement.

Le tribunal a suivi les réquisitions de la procureure, Jeanne Delatronchette, qui avait requis, lors du procès le 24 février, cette peine légère alors qu'elle aurait pu pousser jusqu'à six mois d'emprisonnement et 30 000 euros. Le jugement était très attendu, tant l'affaire, largement médiatisée, a divisé militants écologistes et profession viticole.

« Je ne me sens pas du tout coupable, c'est intolérable aujourd'hui d'être obligé de se masquer, d'être dans la peur quand on assume une position », a déclaré à la presse Emmanuel Giboulot à l'issue du délibéré. Quelque 120 personnes étaient venues lui apporter leur soutien devant le tribunal.

« M. GIBOULOT A AGI DE CETTE FAÇON POUR NE PAS POLLUER »

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Son avocat, Benoist Busson, se dit de son côté « surpris » que son client n'ait pas été dispensé de peine à défaut d'être relaxé :

« Dans ce dossier complexe et technique, le tribunal n'a pas pris en compte les circonstances atténuantes et le fait que M. Giboulot a agi de cette façon pour ne pas polluer. Je maintiens que le préfet n'était pas compétent pour imposer un traitement des vignes dans la mesure où il n'y avait pas de situation d'urgence. Je suis optimiste pour parvenir à être entendu en appel. »

La députée d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) Sandrine Bélier, présente aux côtés du viticulteur, a estimé, dans un communiqué, que ce jugement était un « signal extrêmement négatif envoyé à toutes celles et ceux qui, comme Emmanuel Giboulot, pratiquent une agriculture conciliant performance économique et écologique ». Elle a dénoncé « l'inadéquation de la loi qui amène bien souvent les viticulteurs à recourir systématiquement aux pesticides sans meace avérée » et appelé à « réviser impérativement » cette réglementation.

« LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION DÉVOYÉ »

La cicadelle, insecte vecteur de la flavescence dorée.

Au cours de l'audience du 24 février, la procureure avait argumenté en faveur d'une condamnation : « Par choix idéologique, M. Giboulot n'a pas respecté l'arrêté préfectoral » du 7 juin 2013 qui imposait de traiter toutes les vignes de Côte-d'Or contre la flavescence, maladie très contagieuse et mortelle pour la vigne. Alors que cette épidémie se répand en France depuis les années 1950, plus de la moitié du vignoble est aujourd'hui soumise à un plan de lutte obligatoire — en vertu de réglementations nationales et européennes. 

Pour justifier son refus du traitement préventif, le vigneron avait de son côté évoqué l'absence de foyer avéré dans le département. « L'insecticide, même autorisé en agriculture biologique [le Pyrevert], n'est pas sélectif : il aurait détruit la cicadelle, l'insecte vecteur de la maladie, mais aussi une partie de la faune auxiliaire sur laquelle je m'appuie pour réguler l'écosystème de mon vignoble », avait argumenté le viticulteur, qui exploite depuis trente ans ses vignes en biodynamie.

Après des examens en octobre 2013, trois ceps se sont révélés contaminés dans le département. Pour la Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), qui a contrôlé le viticulteur en infraction le 30 juillet 2013, c'est la preuve que « l'analyse de risque s'est avérée juste » et que l'arrêté préfectoral était nécessaire. Et, pour la représentante du parquet, il y a bien eu « une infraction pénale ».

TRÈS FORTE MÉDIATISATION

Le viticulteur Emmanuel Giboulot devant le tribunal correctionnel de Dijon, lundi 24 février, après son procès.

Emmanuel Giboulot n'a donc pas pu compter sur la très forte médiatisation de son cas, jusqu'aux Etats-Unis où même le New York Times lui a consacré un éditorial. A Dijon, le 24 février, ils étaient près d'un millier à l'acclamer devant le tribunal. Des agriculteurs, en exercice ou retraités, mais aussi des enseignants ou des étudiants, venus de Bourgogne et des régions voisines.

« On aimerait manger bio mais aussi respirer bio car on habite au milieu des vignes. Il faut respecter la loi, mais quand elle est respectable », estimaient Véronique Thomas et Frédéric Mommée, un couple d'enseignants de la Saône-et-Loire voisine, lors du pique-nique organisé avant l'audience par le comité de soutien à Emmanuel Giboulot, rassemblant une vingtaine d'organisations, de la Confédération paysanne aux Amis de la Terre en passant par EELV.

Mais c'est surtout sur le Web que la mobilisation a été la plus forte. Une pétition, lancée par l'Institut pour la protection de la santé naturelle, association sise à Bruxelles, a rassemblé plus de 520 000 signatures, tandis qu'une page Facebook recueillait plus de 120 000 « likes ».

Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne s'est montré, à l'inverse, très critique envers le viticulteur dont il refuse de faire « un martyr du bio ». Dans un communiqué publié après la condamnation de M. Giboulot, l'interprofession a estimé que « cette affaire était désormais close ». « La profession préfère se concentrer sur la lutte contre la flavescence dorée, qui reste un enjeu majeur pour le vignoble bourguignon, écrit-elle. Rappelons qu'à ce jour, il n'existe, hélas, aucune alternative pour lutter contre cette maladie très épidémique et mortelle pour la vigne. »

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